(1777-1840)
Auxiliaire de l’évêque de Québec pour le district de Montréal, 1820-1836
Premier évêque de Montréal, 1836-


NOTICE: Jean LeBlanc, Dictionnaire biographique des évêques catholiques du Canada : les diocèses catholiques canadiens des Églises latine et orientales et leurs évêques : repères chronologiques et biographiques 1658-2012, Montréal, Wilson & Lafleur, 2e éd., 2012, pp. 690-696.
Avec l’aimable autorisation de la Maison d’édition, 17 mai 2019.


Né le 20 juin 1777 à Montréal, fils unique d’un chirurgien militaire français qui avait accompagné les troupes royales en Nouvelle-France en 1757, s’y était établi, et d’une mère canadienne (Marie-Charlotte Cherrier), il fit à partir de 1784 ses études classiques au collège St-Raphaël (qui deviendra en 1806 le collège de Montréal). Après plusieurs mois consacrés à l’étude de l’anglais, il entreprit en 1793 son cours de droit civil comme clerc d’avocat, s’étant intéressé jeune au monde de la politique et des affaires publiques. Ayant décidé en septembre 1797 d’adopter l’état ecclésiastique, il fit sa théologie au collège St-Raphaël, tout en y enseignant, et fut ordonné prêtre à St-Denis-sur-Richelieu le 21 septembre 1800 par Mgr Denaut, évêque de Québec et aussi curé de Longueuil, et à qui, devenu diacre, il servait de secrétaire depuis le 28 octobre 1799. Ce dernier en fit aussi son vicaire à partir du 2 novembre 1801, et l’invita souvent à l’accompagner dans ses visites pastorales, comme celle de 1803 dans les Maritimes. Désirant une vie plus calme et plus studieuse, il entra en février 1806, après la mort de Mgr Denaut, chez les Sulpiciens. Nommé vicaire à la paroisse Notre-Dame, il servit aussi de procureur et d’archiviste au séminaire, consacra beaucoup de temps à la préparation d’une édition critique française du Nouveau Testament du père Bouhours, s.j., et suivit à plusieurs reprises le coadjuteur de Québec, Mgr Panet, dans ses tournées du district de Montréal. Il se rendit à l’été 1819 en Angleterre avec Mgr Plessis, évêque de Québec, ce dernier allant solliciter la division de son diocèse, et lui-même, fort de sa formation en droit, défendre le dossier des titres de propriété des Sulpiciens sur trois seigneuries de la région de Montréal, démarches demeurées infructueuses. Passé à Paris en octobre-novembre, il y rencontra Mgr de Forbin-Janson ainsi que les abbés Frays­sinous (futur grand-maître de l’Université) et de Bonald (fils du philosophe). C’est au cours de ce voyage dont il a laissé un Journal manuscrit (30 juin 1819-7 août 1820) – il quitta Londres le 14 juin 1820 en compagnie de Mgr Plessis pour aller aux États-Unis avant de revenir à Montréal – qu’il fut élevé à l’épiscopat.

Élu le 1er février 1820 évêque titulaire de Telmissus et auxiliaire de l’évêque de Québec pour le district de Montréal (selon un décret de la Propagande du 24 janvier approuvé par le pape le 30), il revint à Montréal le 7 août 1820, et fut sacré le 21 janvier 1821 dans l’église paroissiale de Montréal par Mgr Plessis, archevêque de Québec, assisté de deux prêtres, M. Roque, vicaire général, et M. Le Saulnier, curé de Notre-Dame de Montréal. Conscient des difficultés qui l’attendaient, il avait beaucoup hésité avant d’accepter l’épiscopat, et ne le fit que sous les pressions de Mgr Plessis et les ordres formels de Pie VII. Il résida d’abord brièvement au séminaire puis, exclu par les Sulpiciens, à l’Hôtel-Dieu, ces derniers lui fermant la porte de leur maison et refusant de le laisser officier pontificale­ment dans l’église Notre-Dame. Ceci illustre, comme on l’a dit, le « conflit des nationalités qui va marquer tous les aspects de la vie des Sulpiciens pendant un siècle » et, pour ces derniers, « la crainte de se canadianiser », et par conséquent les tendances nationalistes existant au sein du clergé entre Canadiens et Français. Comme l’a fait remarquer Léon Pouliot, « cette hostilité ouverte et prolongée entre les chefs spirituels de la ville… entre pour quelque chose dans la diminution de la pratique religieuse et du nombre de pratiquants. » Il prit possession en septembre 1825 de l’église St-Jacques, dont il fit sa cathédrale, et du nouveau palais épiscopal où, soucieux d’une meilleure formation théologique et spirituelle du clergé, il installa la même année le grand séminaire St-Jacques – première école de théologie à Montréal – qui s’avéra sous la direction du futur Mgr Bourget un foyer d’ultramontanisme d’inspiration mennaisienne (primauté et infaillibilité papales) contre le levain du gallicanisme largement répandu dans le clergé de l’époque. Pour mieux assurer sa subsistance, l’évêque de Québec lui concéda le tiers de la dîme d’une paroisse du diocèse, ce qui ne l’empêcha pas de déplorer continuellement l’inégalité de la répartition des ressources humaines entre Québec et Montréal, car la croissance de la population de son district ne s’accompagnait pas d’une croissance correspondante des vocations.

Il devint le premier évêque de Montréal lors de l’érection du diocèse le 13 mai 1836 (selon un décret de la Propagande du 21 mars approuvé par le pape le 27), prenant possession de son siège le 8 septembre lors d’une cérémonie présidée par Mgr Provencher, qui prononça le sermon de circonstance, les Hon. D.-B. Viger et L.-J. Papineau portant le dais. Il fit de l’église St-Jacques, construite en 1825, sa cathédrale, et prenait la tête d’un diocèse comprenant quelque 230,000 catholiques, 93 paroisses, 125 prêtres, et trois communautés féminines mais aucun institut religieux masculin. Il mourut à l’Hôtel-Dieu de Montréal le 19 avril 1840, jour de Pâques, veillé par Mgr Bourget, et ses obsèques furent célébrées le 22 dans l’église Notre-Dame. Sa dépouille mortelle fit l’objet de plusieurs translations : d’abord déposée dans la crypte de l’ancienne cathédrale (église St-Jacques de la rue St-Denis), elle fut transférée en 1852 à l’Hôtel-Dieu, en 1861 chez les Sœurs de la Congrégation, et enfin en 1885 dans la crypte de la cathédrale actuelle.

[…]

Devise : aucune
Armoiries : ARC 138
Iconographie : ARC 138
Mandements : Mandements, lettres pastorales, circulaires et autres documents publiés dans le diocèse de Montréal depuis son érection jusqu’à l’année 1869. v. 1, Montréal, 1887, p. 1-67 ; plusieurs de ces documents ont été publiés séparément : visite pastorale, 1823 ; mandement d’entrée, 1836 ; nomination de Mgr Bourget, 1837 ; rescrit papal, 1838.

Œuvres :             

  • Deux sermons de M.J.-L. Lartigue, p.s.s., lors de la guerre de 1812. Éd. F. Beaudin. RHA (1968-69) 301-308.
  • Lettre à Mr. Chaboillez, curé de Longueuil, relativement à ses questions sur le gouvernement ecclésiastique du district de Montréal. Montréal, 1823.
  • Mémoire accompagnant la requête présentée à la Chambre d’assemblée par le clergé catholique du Bas-Canada, contre l’admission des notables dans les assemblées de fabrique. Québec, 1831 ?
  • Mémoire sur l’amovibilité des curés en Canada. Montréal, 1837.
  • Remarques sur les notes de Mr. Lafontaine, avocat, relativement à l’inamovibilité des curés dans le Bas-Canada, 25 mars 1837. S.l., 1837 ?

Bibliographie : on se référera à la bibliographie sommaire compilée par G. Chaussé et L. Lemieux, DBC/7, 531. On trouvera une bibliographie plus élaborée de plus de 300 titres (p. 235-262) dans l’ouvrage de G. Chaussé : Jean-Jacques Lartigue, premier évêque de Montréal, Montréal, 1980, à compléter par :

  • Lefort, A. « La correspondance Viger-Lartigue (1820-1836) » dans : Le laïc dans l’Église canadienne-française de 1830 à nos jours. P. Hurtubise. Montréal, 1972, 93-101.
  • Langlois, J.-P. L’ecclésiologie mise en oeuvre par Mgr Lartigue (relations Église-État) durant les troubles de 1837-1838. Mémoire de licence en théologie, Université de Montréal, 1976.
  • Langlois, J.-P. « L’Église face aux patriotes en 1837-1838 », SCH (1984) 19-37.
  • Chaussé, G. « Un évêque mennaisien au Canada : Monseigneur Jean-Jacques Lartigue », dans : Les ultramontains canadiens-français. Montréal, 1985, 105-120.
  • Chaussé, G. « Lartigue et Lamennais », RUO (1987) 81-86.
  • Chaussé, G. « L’Église canadienne et le mouvement révolutionnaire, de 1775 à 1837 », dans : Boulle, P.H., éd. Le Canada et la Révolution française… Montréal, 1989, 133-143.
  • Ippersiel, F. Les cousins ennemis : Lous-Joseph Papineau et Jean-Jacques Lartigue. Montréal, 1990.
  • Chaussé, G. « Un discours contre-révolutionnaire : les réflexions de Mgr Jean- Jacques Lartigue sur les gouvernements des peuples » dans : La Révolution française au Canada français. Ottawa, 1991, 217-228.