HISTORIQUE BREF, 1948-1969
- Fondé en 1948 par Mgr Ernest Dubé, curé de St-Alphonse, sous le nom d’École Presbytérale. Devient l’Externat Classique en 1954, puis le Collège Classique de Thetford en 1956. Nouveau bâtiment en 1959. En 1969, devient le Collège d’enseignement général et professionnel (CEGEP) de Thetford.
- Voir l’historique long ci-dessous.
ARCHIVES
- Archives de l’Archidiocèse de Québec, Fonds Collège classique de Thetford
- Centre d’archives de la région de Thetford
BIBLIOGRAPHIE
- GARNEAU, Stéphan, Le Cégep de Thetford… 40 ans d’évolution, Thetford, 2010.
- GARNEAU, Stéphan, « La collection de livres rares de la bibliothèque du Cégep de Thetford, un ensemble représentatif d’une époque », Journal of Eastern Townships Studies / Revue d’études des Cantons-de-l’Est, no 40 (2013), p.97-105.
Les origines, de l’École presbytérale au Collège classique de Thetford
par
STÉPHAN GARNEAU
Responsable de la Bibliothèque collégiale et municipale
CÉGEP DE THETFORD
Texte légèrement différent du chap. 1 de : Le Cégep de Thetford…40 ans d’évolution (Thetford, 2010)
Avec l’autorisation de l’auteur.
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« En 1635, la Nouvelle-France voit naître sur son territoire le Collège de Québec qui est considéré par les historiens comme le premier collège classique. Appelé aussi Collège des Jésuites, l’école ne survit pas à la conquête britannique de 1760. Toutefois, son héritage demeure et se perpétue dans les nombreux collèges qui se créent les siècles suivants et qui se donnent pour mission de préparer l’élite sociale et intellectuelle de la nation canadienne-française. Avec la création de l’Université Laval en 1852, l’autonomie des collèges est appelée à diminuer. L’institution qui naît à Québec en ce milieu du XIXe siècle est établie sur le modèle médiéval, qui est celui de la France jusqu’à la Révolution, compte quatre facultés : théologie, droit, médecine et arts. C’est cette « dernière qui avait été la plus importante en France autrefois, puisqu’elle coiffait l’enseignement secondaire dispensé par une multitude de collèges ». L’Université Laval veut donc jouer le même rôle auprès des écoles qui offrent le cours classique. Onze années d’âpres discussions passent avant que l’Université voie les premiers établissements classiques s’affilier à elle en 1863. Au nombre de cinq, ceux-ci sont le Séminaire de Québec, le Collège de Ste-Anne-de-la-Pocatière, le Séminaire de Nicolet, le Séminaire de Ste-Thérèse et le Séminaire de Trois-Rivières. Désormais, les nouveaux collèges qui se créent vont dispenser leurs cours selon les règles établies par la Faculté des arts de l’Université Laval (ou par celle de l’Université de Montréal à partir de 1920).
« L’arrivé du XXe siècle amorce une expansion du « réseau classique ». Entre 1900 et 1940, vingt-cinq nouveaux établissements ouvrent leur porte à la grandeur de la province comme le démontre leur localisation : Terrebonne (1902), Aylmer (1907), Mont-Laurier (1910), Gaspé (1924) ou encore Amos (1940). À Thetford Mines, les étudiants qui désirent poursuivre des études supérieures après leur 6e année doivent pour leur part quitter la région. Pour ceux qui ont les moyens financiers de s’expatrier, les destinations privilégiées semblent être celles de Québec, Sherbrooke, Lévis et dans une moindre mesure, Ste-Anne-de-la-Pocatière (Albert Lamonde, chef de police pendant de nombreuses années à Thetford Mines, y a fait ses études). D’ailleurs, il est fréquent à l’époque de voir des publicités des différents collèges envahir les pages du journal Le Canadien quand l’été cède sa place à l’automne. En 1927, le curé Sauvageau de la paroisse St-Alphonse, appuyé par de nombreuses réclamations de ses concitoyens, décide d’établir une classe d’éléments latins (la première année du cours classique) à Thetford Mines et de retenir les services d’un professeur qualifié. Pour des raisons qui demeurent obscures, le projet avorte et est mis aux oubliettes pendant vingt ans.
L’École presbytérale (1948-1954)
« C’est l’un des successeurs de l’abbé Sauvageau qui ressuscite le projet d’un cours classique à St-Alphonse. En poste depuis 1944, l’abbé Ernest Dubé apporte une grande importance à l’éducation de la jeunesse comme le démontre l’un des sermons qu’il prononce en chaire : « … le devoir de procurer aux enfants une éducation complète est une obligation grave … et ceux qui y manquent volontairement sans motif valable plausible, ne saurait être admis aux sacrements, avant de réparer leur négligence. […] Tous à l’école : voilà le mot d’ordre, à cette époque de l’année où nos maisons d’enseignement vont de nouveau ouvrir leurs portes ». C’est animé par cette volonté de rendre accessible à tous l’éducation que Mgr Dubé crée en 1948 l’École presbytérale qui se compose de deux classes : une d’éléments latins et une d’éléments français qui prépare aux études classiques. Cette nouvelle institution comble un vide au niveau éducationnel à Thetford Mines. De fait, à la fin des années 1940, les élèves qui complètent leur cours primaire peuvent suivre le cours commercial à la Quirion Business School (fondée en 1934), faire des études techniques à l’École d’arts et métiers (fondée en 1939) ou, pour les filles, étudier pour devenir institutrices à l’École normale (fondée en 1944). Toutefois, pour ce qui est du cours classique, les jeunes Thetfordois doivent faire comme leurs prédécesseurs et s’orienter vers la vielle Capitale ou la reine des Cantons-de-l’Est.
« Malgré tout, l’ouverture de l’École presbytérale à l’automne 1948 est loin de créer une abondance de candidatures. Au contraire, les parents semblent peu enclins à vouloir y inscrire leurs enfants. Selon eux, le cours classique ne prépare pas la jeunesse à la vie moderne et ils le trouvent insuffisant quant à l’orientation professionnelle d’un grand nombre de jeunes. Ils préfèrent par conséquent orienter leurs enfants vers les formations pratiques dispensées entre autres par l’École d’arts et métiers. La réponse des responsables de l’École presbytérale est cinglante. Ils mentionnent que si les humanités classiques aident toutes les facultés à s’épanouir, l’enseignement utilitaire de son côté dégrade l’homme parce qu’il le rabaisse au-dessous de sa tâche future. Ils rappellent aussi que la culture classique prépare à tout comprendre et qu’elle prépare mieux que tout autre formation l’avenir de la génération de demain. Pour tenter de convaincre les parents encore incertains, les responsables soulignent que le cours classique conduit au cours universitaire qui ouvre les portes de la médecine, du droit, du notariat, de l’ingénierie, de l’agronomie, de l’enseignement (toutes des professions lucratives et honorables) et enfin, de la carrière sacerdotale.
« La « campagne publicitaire » menée par les autorités de l’École ne semble pas porter fruit si l’on compare les inscriptions à l’École presbytérale et à l’École d’arts et métiers pour les années 1948 et 1949. Ainsi, alors que la première compte 20 élèves la première année et 17 pour la deuxième, la seconde a un effectif qui se chiffre à 65 élèves en 1948 et 90 en 1949. C’est donc composé d’un nombre restreint d’étudiants que la nouvelle école voulue par Mgr Dubé amorce sa première année de cours. On décide par économie et avec l’aide de la Commission scolaire de Thetford de la loger dans une classe de l’école St-Georges située sur la rue McCraw (renommée Dubé en 1950). On retrouve à sa tête l’abbé Gérard Poulin, alors vicaire à la paroisse St-Alphonse, à qui l’on adjoint comme professeur monsieur Denis Gamache (cette nomination constitue un fait rare à l’époque puisque la proportion des professeurs prêtres et religieux est de 90% au niveau de l’enseignement classique). Ce dernier est chargé d’enseigner les langues grecque et latine, française et anglaise, l’histoire, la géographie, les mathématiques, en plus de dispenser un enseignement religieux.
« Suite à une première année s’en histoire, les élèves promus en syntaxe quittent Thetford Mines afin de poursuivre leurs études dans les autres collèges classiques déjà existants. Leurs places sont comblées par une nouvelle cohorte qui vit le déménagement de l’École presbytérale au deuxième étage de la Quirion Business School (qui est l’ancien bâtiment de l’Œuvre de la Jeunesse) située au 512 rue de la Fabrique. Dans le même temps, les élèves voient arriver un nouveau professeur originaire de Black Lake, monsieur Léo-Paul Racine. Celui-ci, comme son prédécesseur, est responsable de tous les cours donnés aux étudiants des classes d’éléments latins et d’éléments français. Pour se faire, il suit le programme de l’École qui est basé sur celui du Collège de Lévis. Cependant, si certains élèves désirent fréquenter d’autres collèges après leur passage à Thetford Mines, le professeur se doit de modifier son programme pour les satisfaire.
« Le début de la décennie 1950 est marqué par deux événements. Tout d’abord, en 1951, l’abbé Robert Mercier remplace l’abbé Gérard Poulin au vicariat de St-Alphonse et en même temps à la direction de l’École presbytérale. Puis, en novembre 1953, l’École est l’hôte de Mgr Lionel Audet, auxiliaire de l’archevêque de Québec, et de Mgr Ferdinand Vandry, recteur de l’Université Laval, dans le cadre de la campagne de souscription organisée pour agrandir le Séminaire de St-Georges créé en 1946. Ce dernier profite de sa visite pour lancer un message très important aux élèves : « vous devez, mes chers enfants, être très généreux. Il faut que tous, vous disiez au bon Dieu, si vous voulez, je suis prêt à faire un prêtre. […] Soyez donc des élèves appliqués, généreux dans le service du bon Dieu et préparez-vous en gardant l’innocence de votre baptême ». Au niveau des inscriptions, après un début plutôt lent comme nous l’avons vu, l’École presbytérale réussie à augmenter ses effectifs qui sont de 32 élèves pour l’année 1952-1953 et de 38 élèves pour l’année 1953-1954. Elle réussit aussi à attirer de plus en plus d’étudiants de l’extérieur de la paroisse St-Alphonse comme le démontre la répartition géographique des garçons qui la fréquentent pendant l’année 1953-1954 : St-Alphonse (8), St-Maurice (6), Notre-Dame (9), St-Noël (5), Black Lake (5), East Broughton (2), St-Jean de Brébeuf (1), St-Pierre-de-Broughton (1) et Vimy Ridge (1).
L’Externat classique de Thetford (1954-1956)
« Cette expansion au-delà des limites de la paroisse St-Alphonse amène à l’été 1954 l’École presbytérale à prendre le nom d’Externat classique de Thetford. Plus précisément, c’est le 26 juin 1954 que Mgr Maurice Roy, archevêque de Québec, par un décret effectue la mutation du nom de l’institution d’enseignement. Du même coup, il met sur pied un comité de 9 membres, dont les quatre curés de Thetford Mines doivent faire partis ex-officio, pour gérer en son nom les biens qui lui seraient confiés. Celui-ci est constitué de l’abbé Robert Lacroix (principal de l’École normale), président, l’abbé Edwin Doyle (curé de St-Maurice), vice-président, l’abbé Alphonse Martineau (curé de Notre-Dame), trésorier, l’abbé Philibert Goulet (curé de Black Lake), secrétaire, et de cinq directeurs, Mgr Jean Belleau (curé de St-Alphonse), le R. P. Philiéas Boulay (curé de St-Noël), l’abbé Laurent Lacoursière (curé de Robertsonville), l’abbé Louis-Marie Vachon (vicaire à Notre-Dame) et l’abbé Robert Mercier (vicaire à St-Alphonse et directeur des élèves). Leurs mandats sont de diriger l’Externat classique de Thetford et de l’organiser comme un autre séminaire ou collège classique du Québec. C’est-à-dire, comme une école secondaire gréco-latine comprenant les huit classes du cours classique.
« Au niveau de l’enseignement, le principal changement dû à la création de l’Externat est l’ajout de la classe de syntaxe qui permet aux élèves de compléter leurs deux premières années avant de quitter la région. Si on tient compte de la classe préparatoire d’éléments français, l’institution classique de Thetford Mines compte désormais trois groupes ce qui est trop pour un seul enseignant. Dans cette optique, l’Externat embauche à l’automne 1954 deux professeurs qui viennent prêter mains fortes à Léo-Paul Racine qui devient responsable des élèves inscrits en syntaxe. Le premier se nomme Alcide Larochelle. Il est bachelier ès arts et en philosophie de l’Université Laval en plus d’avoir enseigné au Séminaire de St-Georges. Quant au second, le frère Léandre des Écoles Chrétiennes, il possède un diplôme supérieur de l’École normale et est bachelier ès arts de l’Université Laval. Celui-ci sera l’un des seuls frères à enseigner à l’Externat et plus tard, au Collège classique de Thetford. La raison principale de cette situation se situe probablement au niveau religieux. De fait, il existe à l’époque une « rivalité » entre les frères et les pères qui dirigent les établissements classiques. Les premiers se voyant accorder le droit de dispenser le cours classique complet en 1934 en menaçant de s’affilier à l’Université McGill (une institution protestante).
« Malgré les nombreux changements qu’apporte la transformation de l’École presbytérale en externat classique, une chose reste inchangée, sa localisation. Ce dernier est toujours situé au deuxième étage de la Quirion Business School même si ses effectifs sont à la hausse (en 1955-1956, 65 élèves font partis d’une des trois classes). Des voix cependant commencent à se faire entendre pour réclamer un bâtiment propre à l’Externat puisque l’on juge les locaux occupés par les étudiants inadéquats et insuffisants. Dès lors, différents emplacements sont considérés pour recevoir ce haut lieu de l’enseignement supérieur à Thetford Mines. Parmi ceux-ci notons, le rang IV dans le nouveau quartier Bellevue, le quartier O’Meara et le Chemin de Robertson à St-Noël. Malheureusement, les finances de l’Externat n’étant pas à leur meilleur, (le 7 février 1956 les commissaires d’école de la Commission scolaire de Thetford décident de verser un octroi de 7 000$ par année à l’institution classique pour lui servir à payer les salaires des professeurs), le projet de construction est remis à une date ultérieure. Au cours de la même période, l’abbé Louis-Philippe Duclos est nommé président du Comité de l’aide à l’Externat classique de Thetford en remplacement de l’abbé Robert Lacroix désigné supérieur du Séminaire de St-Georges par l’archevêque de Québec. C’est donc lui qui est à la tête de l’Externat lorsque ce dernier atteint enfin son but premier, devenir un collège classique à part entière.
Le Collège classique de Thetford, la création et l’errance (1956-1959)
« Érigé canoniquement le 27 mai 1956, (et civilement le 2 août 1956 par lettres patentes obtenues du lieutenant-gouverneur Gaspard Fauteux), le Collège classique de Thetford est affilié à l’Université Laval et se trouve sous le patronage spécial de la sainte-famille. Dès le 2 juillet, la corporation du collège nomme temporairement l’abbé Achille Couture comme directeur avec pour mission de « préparer la corporation, de continuer les classes et d’assurer la construction de l’immeuble destiné à loger l’institution ». Avec un zèle exemplaire, l’abbé Couture se met immédiatement à la tâche. Première mission, trouver un domicile pour l’année 1956-1957. Après quelques démarches auprès de la Commission scolaire de Thetford, des locaux sont libérés à l’école Ste-Julie. Ils vont accueillir la bibliothèque, la salle de réunion des professeurs et les classes d’éléments latins et de méthode nouvellement créée. Toutefois, étant donné l’exiguïté des locaux, les autorités du Collège décident de supprimer pour un an la classe d’éléments français et de loger la classe de syntaxe au chalet des loisirs de la Société St-Jean-Baptiste situé sur la rue Simoneau.
« L’autre gros dossier à pourvoir pour l’abbé Couture avant le début des cours en septembre 1956 est celui des ressources humaines. Avec le nombre grandissant d’étudiants, le Collège se doit d’engager de nouveaux professeurs. Les ressources financières étant assez limitées, la pénurie d’enseignants est atténuée par la commission scolaire, l’École normale, l’École des arts et métiers et même, par la collaboration de certains prêtres. Au mois de décembre de la même année, Mgr Maurice Roy entérine la nomination de l’abbé Achille Couture au poste de supérieur du Collège classique de Thetford. Il nomme également l’abbé Louis-Philippe Duclos économe et l’abbé Robert Mercier assistant-supérieur. L’année scolaire 1957-1958 est marquée par peu de chose sinon que la classe de versification est ajoutée au programme et que la classe d’éléments français revient après un an « d’exil ». Elle est logée dans ses anciens locaux situés au deuxième étage de la Quirion Business School. Au point de vue administratif notons la reconnaissance officielle du Collège par le Comité catholique provincial le 7 mai 1958.
« La troisième année de l’institution classique thetfordoise commence sur une interrogation : Où seront logées les différentes classes qui vont désormais d’éléments français à belles-lettres ? De fait, avec la hausse de sa clientèle étudiante, la Commission scolaire de Thetford récupère les locaux qu’elle cédait gratuitement à l’école Ste-Julie. Maintenant sans domicile, la corporation du Collège étudie différents scénarios dont celui d’aménager des classes dans le sous-sol de l’église Notre-Dame. Des pourparlers s’en suivent avec la Fabrique mais le projet est mis de côté car la transformation exigerait des déboursés assez onéreux. C’est encore une fois la commission scolaire qui sauve la situation. Elle consent à prêter au Collège pour l’année scolaire 1958-1959 des locaux situés au couvent Ste-Marie ainsi que la salle de récréation de l’Académie St-Maurice. Il faut dire qu’avec 160 élèves, il devient de plus en plus ardu de trouver de nouveaux espaces pour loger toute cette clientèle estudiantine. Quant aux professeurs, maintenant au nombre de neuf (dont huit religieux), leur situation n’est pas beaucoup plus rose. Ainsi, quatre habitent dans une famille privée où ils paient pension, deux logent au presbytère St-Maurice, un se retire dans sa famille et le dernier loge un peu partout, au hasard des invitations qui lui sont faites. De même, le supérieur, l’abbé Couture, voit son espace de travail confiné dans un coin avec pour seule chaise, une caisse de bois ! Malgré tout, l’année scolaire se déroule sous de bon auspice. D’autant plus qu’à la mi-juin 1959 les premiers élèves de versification de l’institution thetfordoise subissent les épreuves de l’immatriculation (sur 17 étudiants, 16 réussissent l’examen). Quoi demander de mieux pour mettre un point final aux nombreuses pérégrinations du Collège classique de Thetford.
« Au pays de l’amiante donnons un Collège classique » (1957-1959)
L’ouverture imminente des portes d’un nouveau bâtiment pouvant accueillir tous les élèves du Collège en ce mois de juin 1959 n’est pas le fruit du hasard mais de nombreux mois de travail. L’origine des démarches remonte au mois de février 1957 alors que l’archevêque de Québec effectue une visite à Thetford Mines dans le but de voir les sites les plus appropriés pour construire le futur établissement classique. Ceux-ci sont le rang 6 dans le quartier St-Georges sur un terrain de l’Asbestos Corporation, derrière l’hôpital St-Joseph, sur les lots 24 et 25 en face de Lynn MacLeod sur le boulevard Smith et enfin, dans la paroisse Ste-Marthe sur le boulevard Smith à environ 800 mètres de l’intersection St-Alphonse en direction de Black Lake. Après l’étude approfondie des différents sites, c’est ce dernier qui est choisi à la mi-janvier 1958. Les raisons invoquées par les membres du comité chargés de trouver un emplacement au futur Collège sont que le terrain est plat (par conséquent cela n’entraînera que des travaux de terrassement minimes) et que l’acquisition du terrain qui fait 1 720 pieds de façade sur le boulevard et 1 158 pieds de profondeur n’est pas trop dispendieux (le tiers est cédé gratuitement par les trois propriétaires qui sont Lorenzo Adélard Landry, Pierre Marcoux et Laval Turcotte).
Dès le mois suivant, l’abbé Achille Couture visite les collèges de Hull, Ottawa, Joliette et St-Hyacinthe en compagnie de l’architecte Jean Berchmans Gagnon. Ce dernier a pour mandat de dessiner les plans d’un bâtiment qui doit comprendre une bibliothèque, une salle de lecture, un amphithéâtre, des cabinets de chimie, de physique et de biologie, une chapelle, une salle d’audition de disques, un gymnase, une salle de culture physique, une piscine, un auditorium, des résidences pour accueillir 100 pensionnaires ainsi que des salles d’études pour les élèves et les professeurs. Au mois de mars, les plans du futur Collège classique de Thetford sont enfin dévoilés à la population. Du même coup, les autorités annoncent qu’une première aile sera construite sous peu pour permettre aux étudiants d’amorcer l’année scolaire 1958-1959 dans leur nouvel établissement. Comme il y a souvent une différence entre souhaiter quelque chose et le réaliser, les travaux de construction ne débutent officiellement que le 24 juillet 1958 sous la direction de la firme Laflamme et Lafleur. Ceux-ci se déroulent rondement et lors de la bénédiction des travaux qui a lieu le 15 septembre, les travaux de fondation et de soubassement sont déjà pratiquement terminés. Parallèlement à ce chantier, la Ville de Thetford Mines consacre plus de 100 000$ aux travaux des réseaux d’égout du boulevard Smith et des terrains qui accueilleront le nouveau collège.
« Avec l’arrivé de l’hiver, les autorités doivent prendre une importante décision : est-ce que les travaux continueront ou cesseront pendant quelques mois ? Après mûre réflexion, ils décident de laisser le chantier ouvert malgré l’augmentation des coûts (principalement due au système de chauffage temporaire qui peut maintenir une température de 50 degrés au-dessus de zéro). Les raisons qui justifient cette décision sont de trois ordres. Tout d’abord, le surplus des dépenses est sensiblement le même que si les travaux étaient suspendus alors qu’il faudrait entretenir l’ouvrage fait à date, y placer des gardiens de sécurité et renvoyer le personnel sans être certain de pouvoir retenir les services des gens de métier au printemps. Deuxièmement, le Collège serait dans l’obligation de payer un loyer ailleurs si jamais le bâtiment n’était pas prêt pour l’année 1959-1960. Finalement, comme la situation économique dans la région est déjà morose, fermer le chantier aurait pour conséquence d’aggraver le problème du chômage au cours de l’hiver.
« Le 5 avril 1959, Mgr Roy est de retour à Thetford Mines dans le but de voir le nouvel établissement scolaire et de participer à la bénédiction de la pierre angulaire (cérémonie au cours de laquelle un tube contenant des documents relatifs au collège est placé dans l’orifice creuse d’une pierre intégrée à la charpente du bâtiment). L’immeuble qu’il peut alors apercevoir dans sa phase finale mesure 257 pieds et 6 pouces de façades sur le boulevard Smith sur 80 pieds de profondeur. Bien qu’amputé de nombreux éléments du départ faute de moyens financiers, il comprend le logement de 25 prêtres (la résidence a trois étages et mesure 46 pieds de façade par 140 pieds de profondeur), les bureaux de l’administration, une salle de conférence, 10 spacieuses classes, une bibliothèque, une vaste salle de 109 pieds par 46 qui servira à la fois de gymnase, salle de concert et chapelle. Avec maintenant son collège dont le coût de construction est estimé à près de 800 000$, il ne reste plus qu’une chose à faire à la « capitale de l’or blanc », le payer.
« Pour se faire, un comité de souscription est mis sur pied au printemps 1959 avec à sa tête Nelson Poirier. On crée aussi un comité d’honneur composé de personnalités comme Mgr Maurice Roy, le recteur de l’Université Laval Alphonse-Marie Parent ou encore le maire de Thetford Mines Rodolphe Caouette. Après délibération, les comités décident de faire une levée de fonds qui se déroulera le 10 mai à Thetford Mines et dans 50 autres municipalités des comtés de Mégantic, de Frontenac et de Beauce. Entre-temps, dans le but de « réchauffer les troupes », la région reçoit la visite de deux dignitaires. Le premier est Mgr Lionel Audet, auxiliaire à l’archevêque de Québec, qui vient prêcher le 15 avril à l’église St-Alphonse : « ce n’est pas une quête quelconque. C’est une véritable croisade. C’est la plus belle de toutes les causes, elle est bénie de Dieu et voulue par l’Église » (les journaux rapportent que Mgr Audet doit arrêter son sermon à quelques moments car les larmes lui montent aux yeux). Le deuxième est Mgr Roy en personne qui déclare lors d’une réunion tenue au chalet des sports : « un Collège Classique signifie qu’une région est devenue adulte. La région est prospère. Un Collège Classique est maintenant indispensable pour préparer les hommes dont nous avons besoin pour utiliser nos ressources et profiter des inventions scientifiques ». […] « Avec un tel collège vous serez plus fortement attachés à l’université, puisque vous avez ainsi un commencement d’université ».
« Fouettés par ces appuis provenant des plus hautes instances religieuses de l’archidiocèse et par le slogan de la campagne de souscription, « Au pays de l’amiante donnons un Collège Classique », plus de 2 500 solliciteurs se lancent à l’assaut des foyers le 10 mai 1959 avec pour objectif d’amasser la somme de 625 000$ (un comité spécial se charge de collecter les dons auprès des entreprises). Dans le but de mener à bien cette mission, une impressionnante organisation est mise sur pied : en haut de la pyramide on retrouve le directeur-général de la campagne et son adjoint. Sous leurs ordres sont placés les chefs d’arrondissement, à raison d’un par trois paroisses. Viennent ensuite les exécutifs paroissiaux, chacun étant composé d’un président, d’un secrétaire, d’un trésorier, des chefs des comités spéciaux et des chefs de division à raison d’un par 100 familles. Viennent en dernier ressort les solliciteurs à raison d’un par 10 familles. Pour les aider dans leur tâche, Nelson Poirier leur mentionne trois motifs qui peuvent réussir à convaincre les particuliers de délier les cordons de leur bourse. Le premier est d’ordre religieux : le cours classique est l’étape numéro un vers une carrière sacerdotale (qui n’a pas rêvé d’avoir un prêtre dans sa famille ?). Le deuxième est d’ordre patriotique : le cours classique ouvre la porte à toutes les carrières professionnelles et commerciales (l’influence de notre groupe ethnique grandira dans la mesure où notre jeunesse sera davantage instruite). Le troisième quant à lui est d’ordre économique et familial : l’élève n’a plus à payer de frais élevés de pension et il reste chaque jour sous l’influence bienfaisante de la famille. Au final, c’est la somme totale de 404 900$ que rapporte la campagne de souscription. Montant auquel il faut ajouter l’aide supplémentaire promise par le Premier ministre Maurice Duplessis lors de la visite de l’abbé Achille Couture et du docteur Fortin.
Un second départ (1959-1964)
« C’est à la fin du mois de septembre 1959 que le nouvel établissement financé par la collectivité régionale accueille ses premiers élèves. Au nombre de 214, ils s’échelonnent d’éléments français à rhétorique (la nouvelle classe compte 24 élèves) et proviennent à 80,9% de Thetford Mines. Pour leur enseigner, le Collège compte désormais sur une équipe composée de 18 professeurs. Si la majorité d’entre eux sont encore des religieux, 10 sur 18, leur nombre versus celui des laïcs est appelé à diminuer avec les années. Cette situation se fera quand même à un rythme lent car les religieux ont un avantage majeur sur leurs confrères laïcs, leur « coût ». Ainsi, lors de l’année scolaire 1959-1960, les prêtres ne reçoivent que 39¢ de l’heure soit 480$ par année alors que les professeurs laïcs reçoivent au moins 3 500$ par année. Dans un autre ordre d’idées, la rentrée 1959 est marquée par la parution d’une chronique hebdomadaire sur le Collège classique de Thetford dans le quotidien Le Progrès. Intitulée « La ruche aux idées », elle traite de différents sujets comme les activités parascolaires des étudiants, les fêtes religieuses, l’utilité d’apprendre le grec ou encore le cheminement d’un élève à l’intérieur du cours classique. Bien que cela puisse paraître étrange, il faut attendre l’année suivante pour assister à la bénédiction du Collège. Plus précisément, c’est le 6 novembre 1960 que Mgr Maurice Roy béni en présence de nombreux dignitaires ecclésiastiques et civils l’institution thetfordoise qui possède un effectif de 257 élèves (dont 32 inscrits dans la nouvelle classe de philosophie I). Parmi ces visiteurs on remarque les supérieurs des séminaires environnants, des députés, des échevins, des commissaires et les présidents de plusieurs associations locales.
« L’année scolaire 1961-1962 est marquée par deux événements importants. Tout d’abord, suite à la décision prise au mois de mai 1960 par la Commission du programme de la Faculté des arts de l’Université Laval, auquel est lié le Collège, l’ancien cours de huit années est divisé en deux cours totalement distinct, dont un cours secondaire de cinq années suivi d’un cours dit « collégial » de trois années. Dans un second temps, avec l’ajout de la classe de philosophie II, les 316 élèves qui fréquentent l’institution thetfordoise peuvent dorénavant faire l’ensemble de leurs études jusqu’à l’obtention de leur baccalauréat ès arts dans la région. En ce sens, la première prise de ruban de l’histoire du Collège se déroule le 24 avril 1962 alors que 24 finissants dévoilent leurs futures vocations en présence de Mgr Maurice Roy et du supérieur l’abbé Achille Couture. Pour ce dernier, l’événement est son « chant du cygne » puisqu’il est réaffecté au mois de juillet comme aumônier à l’Institut St-Louis de France située à Loretteville. Pour le remplacer, l’archevêque de Québec choisi l’abbé Léo-Paul Drouin. Originaire de Leeds Village, il a occupé les postes de directeur des élèves au Séminaire de St-Georges et au Collège classique de Thetford. Les deux premières années de son mandat son marquée par peu de chose exception faite de la visite de Mgr Sebastiano Baggio, délégué apostolique (ambassadeur du Vatican), le 8 septembre 1963, et du développement des activités parascolaires.
« En ce domaine, le regroupement de tous les étudiants dans un même bâtiment a un impact majeur. De nul avant la création du collège, les activités sportives et culturelles connaissent une croissance soutenue à partir de 1959. Loin d’être combattues par les autorités, elles sont favorisées car elles font partie des quatre grands piliers du cours classique qui sont : la prière, l’étude, les arts et les sports. La prière, respiration de l’âme, met l’étudiant en contact avec son Dieu. L’étude affine ses facultés intellectuelles et lui fait prendre possession de l’univers de la connaissance qu’il lui donne de la création corporelle et spirituelle. La vie artistique éveille en lui le sens esthétique de l’harmonie et de la mesure. La vie sportive enfin joue un rôle important dans la formation complète du jeune étudiant (un esprit sain dans un corps sain). Parmi les activités sportives pratiquées par les élèves notons le base-ball, les quilles et le hockey. Dans ce cas, on construit une patinoire dès le mois de décembre 1959 et une équipe représente le Collège dans une ligue organisée en 1960 (après quatre victoires, la ligue tombe malheureusement à l’eau). La vie culturelle et sociale des étudiants quant à elle est comblée par le théâtre, les concours littéraires et oratoires, la danse (une discothèque est créée en 1961) et la participation aux activités organisées par la J.E.C. En plus, à partir de 1961, les étudiants peuvent s’initier au journalisme en écrivant des articles dans le journal officiel du Collège, Le Filon. Si les articles qui noircissent ses pages portent en majorité sur les événements qui se déroulent à l’école, certains émettent des opinions sur des sujets touchant la collectivité thetfordoise comme l’obtention d’une bibliothèque municipale.
Un collège en difficulté financière (1964)
« Si de l’extérieur le Collège classique de Thetford semble être un « succes story », la réalité est tout autre. Ainsi, dès l’année scolaire 1956-1957 les autorités commencent à accumuler les déficits. En 1960, elles évaluent qu’un étudiant coût 428$ et qu’il donne 283$ d’où un déficit de 145$ par élève. Pour l’ensemble, cela correspond à un manque à gagner de 31 000$ (auquel il faut ajouter les dépenses liées à la construction du collège). Il faut dire qu’à la décharge des instances décisionnelles, les sources de revenus sont plutôt mince. Elles proviennent du mensuel versé par les étudiants, de la subvention annuelle que l’État lui verse (fixée à 20 000$ en 1959) et de la charité publique. Au printemps de 1964, la situation est pire que jamais. Le Collège a une dette de 76 000$ et prévoit un déficit de 60 000$ pour l’année scolaire 1964-1965. Face à cette situation, les autorités en viennent à la conclusion qu’à moins qu’une solution soit trouvée, l’établissement thetfordois sera dans l’impossibilité d’ouvrir ses portes en septembre 1964. Face à ce scénario catastrophe, les membres envisagent six moyens pour remettre les finances à flot : consolider la dette par une nouvelle émission d’obligations de 150 000$ ou 200 000$, emprunter de la banque 136 000$, vendre le Collège à la Commission scolaire régionale de l’Amiante, négocier avec les commissions scolaires dont dépendent les étudiants, majorer les frais de scolarité et faire une souscription publique.
« Après analyse, les autorités s’aperçoivent qu’aucun de ces moyens est viable. Ainsi, la mauvaise situation économique de la région entraîne un contexte difficile pour la vente d’obligations. L’impossibilité pour le Collège de garantir un remboursement durant l’année 1964-1965, l’empêche d’emprunter auprès d’une institution financière le montant qu’elle a besoin. Comme la Commission scolaire régionale de l’Amiante n’entre pas en opération avant septembre 1965, la vente du Collège à celle-ci est irréalisable. Le grand nombre de commissions scolaires (16) dont sont issus les étudiants rend la possibilité d’une entente avec toutes quasi impossible. Pour ce qui est d’augmenter les frais de scolarité, une comparaison avec des chiffres provenant de la Fédération des Collèges Classiques montre que les parents des élèves du niveau secondaire déboursent 8.8% des revenus globaux dans les institutions membres alors qu’à Thetford Mines les parents des élèves du même niveau déboursent 26.9%. Au niveau collégial la proportion est de 42.6% pour l’ensemble des collèges et 47.5% dans la région. Il est de toute évidence que les parents font une part beaucoup plus large qu’ailleurs et qu’une majoration des frais de scolarité est donc impensable. Finalement, la proximité de la dernière campagne de souscription, à peine cinq ans, et la perspective de la mise à pied d’environ 600 mineurs suite à la fusion des compagnies minières Asbestos Corporation Limited et Johnson’s Company, rejettent la possibilité d’envisager cette solution. Face à un tel constat d’échec, le Comité consultatif, l’Association des parents et le Conseil de la corporation du Collège classique de Thetford demandent au gouvernement un octroi spécial de 136 000$ couvrant le déficit accumulé et le déficit de l’année scolaire 1964-1965. Pour une fois, le gouvernement fera encore mieux que ce qui lui est demandé. Ainsi, le ministre de l’Éducation par l’arrêté en conseil 1619 du 26 août 1964, verse une subvention de 280 000$ en faveur du Collège en vertu de la Loi du financement des investissements universitaires.
La consolidation (1964-1967)
« Ses problèmes financiers étant réglés, les autorités s’emploient à consolider la place du Collège dans la région et le nombre de ses inscriptions. Dans le premier cas, elles ouvrent les portes de l’institution classique à la population en offrant à partir de septembre 1964 des cours pour adultes du baccalauréat ès arts. Crédités par la Faculté des arts de l’Université Laval, ces cours sont offerts les soirs de semaine entre 19h15 et 21h15. Dans le deuxième cas, elles décident d’admettre à compter de septembre 1966 les filles depuis la classe de versification. Loin d’être une idée nouvelle, l’accession des filles aux études classiques dans la région remonte à 1959. À cette époque, un groupe de promoteurs demande aux parents désireux de voir leur fille faire le cours classique d’envoyer leur nom pour qu’ils sachent le nombre de filles intéresser par cette formation. Faute de noms en abondance, le projet est mis aux oubliettes. Trois ans plus tard, soit au mois d’août 1962, la communauté des RR. SS. De la Charité qui dirige l’École normale de Thetford reçoit l’approbation du département de l’Instruction publique pour convertir cette institution en collège universitaire pour filles. Les jeunes filles pourront poursuivre les études classiques alors qu’on donnera l’enseignement des 4 dernières années ainsi que l’enseignement pour le brevet A.
« En février 1963, les plans préliminaires du collège universitaire pour filles, faits par l’architecte Jean Berchmans Gagnon, sont soumis au ministère de la Jeunesse pour y recevoir les approbations. Le coût du projet est estimé à trois millions. Le nouvel établissement, qui sera érigé sur le boulevard Smith à proximité du Collège classique de Thetford, pourra accueillir 600 élèves dont 190 pensionnaires. Le bâtiment devrait comprendre une salle de récréation, un gymnase, des laboratoires, des salles de réunions, une bibliothèque et une piscine. Malgré l’avancement du projet et l’accord du ministère de la Jeunesse, l’idée est encore une fois abandonnée. Néanmoins, les jeunes Thetfordoises désireuses de faire leur cours classique ne perdent pas tout car au mois de mai 1963, le ministère de la Jeunesse annonce que la Commission scolaire de Thetford pourra donner les quatre premières années de la formation classique aux filles à la nouvelle école secondaire. Ce sont donc ces candidates qui seront les premières en septembre 1966 à rejoindre leurs confrères masculins au Collège. Si elles sont bien accueillies par ceux-ci, certains prêtres qui œuvrent comme professeurs voient leurs arrivées d’un mauvais œil. Ils craignent en particulier les fréquentations entre étudiants de sexe opposé car elles nuisent aux études et peuvent briser de futures carrières sacerdotales : « le problème de ses jeunes filles et garçons qui gâchent leur existence par un acte irrémédiable au point tournant de leur vie, éblouis par les plaisirs terrestres, est qu’ils oublient parfois un appel discret … celui de Dieu ».
« À l’instar de ce qui se passe au niveau du Collège, les professeurs laïcs profitent du milieu des années 1960 pour consolider leur force. C’est ainsi que le regroupement qui les représente depuis les tous débuts et qu’on retrouve dans au moins 26 établissements classiques, l’Association professionnelle des professeurs laïques de l’enseignement classique de la province de Québec, s’affilie en 1964 à la CSN et prend le nom de Syndicat professionnel des enseignants du Québec. Il faut dire que malgré leur haut niveau scolarité, ces travailleurs sont pendant longtemps peu considérés par les autorités religieuses qui dirigent les collèges. Embauchés à l’origine pour enseigner des matières pour lesquelles les prêtres sont mal formés, ils ont peu de chance d’avancement, puisqu’ils n’ont pas accès aux postes de direction, et doivent être disponibles à toute heure de la journée pendant les jours de semaines. Leur échelle salariale varie entre 4 800$ et 6 400$ par années. Néanmoins, avec les années, l’association qui les représente travaille ardemment à améliorer leurs conditions en faisant jouant la concurrence entre les différents établissements classiques qui sont tous autonomes. Par exemple, en 1961, elle offre à ses membres d’aider ceux qui veulent travailler ailleurs. Pour se faire, elle mentionne qu’elle connaît les meilleures institutions, c’est-à-dire celles qui intègrent le mieux leurs professeurs laïques et savent reconnaître financièrement leurs services professionnels. Avec le temps la stratégie semble porter fruit et les avantages sociaux des professeurs se bonifient : caisse de retraite, assurance-santé, congés de maladie, augmentation de la paie de vacance, etc.
Le crépuscule du cours classique (1967-1969)
« La nouvelle année scolaire qui commence à l’automne 1967 est marquée par un changement à la direction du Collège. L’abbé Léo-Paul Drouin ayant quitté pour des raisons personnelles, c’est l’abbé Gérard Lemay, jusqu’à lors préfet des études, qui devient le troisième supérieur de l’établissement thetfordois. Au niveau de la population estudiantine, le Collège compte désormais au-delà de 400 étudiants qui doivent lui payer de nombreux frais divers puisqu’il est une institution privée à l’inverse des nombreuses commfissions scolaires régionales qui sont des organismes publics. Ceux-ci comprennent les frais d’inscription (15$), les frais généraux : inscription à l’Université Laval (20$), bibliothèque (15$), matériel didactique et d’examens (10$), les frais de scolarité (450$) et les frais spéciaux : laboratoire (entre 15$ et 30$), orientation (20$), cotisation à l’AGECCT (à déterminer) et reprise d’examen semestriel (2$). Pour aider les étudiants moins fortunés à couvrir toutes ces dépenses, le ministère de l’Éducation émet des certificats d’admissibilité qui permettent aux élèves de se présenter à une banque autorisée pour négocier un emprunt maximum de 500$ garanti par le Gouvernement. Si ce montant ne suffit pas à combler la différence entre leurs dépenses essentielles et leurs ressources financières, ils peuvent alors demander une bourse non remboursable qui comblerait la différence jusqu’à concurrence d’un maximum de 1 000$. Toutefois, il est bon de mentionner que les étudiants, depuis la réforme du cours classique, ont une année de moins à payer puisque la section dite « collégiale » est passée de trois années à deux. Par conséquent, la cérémonie de prises de ruban qui se déroule au mois d’avril 1968 compte deux classes : celle de collégial III (au nombre de 44) et celle de collégial II (au nombre 37).
« Quatre mois plus tard, s’amorce à Thetford Mines la dernière année du cours classique qui est désormais amputé de sa partie secondaire. Les étudiants qui composent cette ultime cohorte sont les derniers dont l’enseignement donné est régi par les règlements de la Faculté des arts de l’Université Laval. Ainsi, après plus d’un siècle d’existence, les collèges classiques, seule porte d’entrée aux études universitaires de leur vivant, disparaissent du paysage québécois. Il faut dire que dix ans après la Révolution tranquille, leur mandat qui est de « bannir l’égoïsme et faire rayonner la charité chrétienne » sonne de plus en plus faux dans un monde où la laïcité est maintenant prédominante. Les élèves qui amorcent leur cours collégial en ce mois de septembre 1968 suivent pour leur part l’enseignement régi par les règlements du ministère de l’Éducation qui leur permettra d’obtenir après deux ou trois années d’études le tout nouveau diplôme d’études collégiales. Un chapitre s’achève, un tout nouveau commence … »